Instagram Kids : les défenseurs des droits des enfants s’insurgent sans filtre
La lettre date du 15 avril. «Cher M. Zuckerberg, nous vous exhortons à laisser tomber votre projet de lancement d’une version d’Instagram pour les moins de 13 ans», écrivent sans préambule plus d’une vingtaine d’organisations de défense des droits des enfants ou jouant le rôle de vigie sur les réseaux sociaux […].
Pour, soi-disant, garantir la sécurité des enfants et préadolescents sur les réseaux sociaux, Facebook a eu l’idée saugrenue d’un lancement prochain d’Instagram Kids, une version de l’appli de partage de photos et de vidéos. L’argument est celui d’une safe place, à l’abri notamment du cyberharcèlement et de la pédocriminalité. Mais les organisations réunies au sein de la coalition nationale américaine Campaign for a commercial-free childhood, ou campagne pour une enfance sans publicité (CCFC), alertent qu’un tel réseau social pourrait altérer le développement et la santé mentale des enfants, tout en reconnaissant qu’ils sont déjà nombreux à contourner la limite d’âge fixée à 13 ans pour ouvrir un compte Instagram. «Mais Instagram Kids n’est pas la solution […] Par ailleurs, les enfants de 10 ou 12 ans déjà présents sur Instagram ne se tourneront sûrement pas vers une version de l’appli dédiée aux enfants», ajoutent les signataires de la lettre qui reprochent à Facebook de chercher à se faire de l’argent sur le dos des enfants, à intensifier «la collecte de données privées et familiales» et à s’assurer «une fidélisation d’une nouvelle génération d’utilisateurs» pour mieux asseoir son hégémonie.
Aucune publicité affichée»
D’autant plus qu’une plateforme comme Instagram Kids risque de voir des enfants particulièrement vulnérables se retrouver en proie à la manipulation et l’exploitation, note encore l’ensemble des organisations. Car Facebook et les failles de sécurité, c’est quasiment une histoire d’amour. Comment empêcher un prédateur de s’inscrire sur l’éventuelle future plateforme ? «De nombreuses recherches démontrent que l’usage excessif d’appareils numériques et des réseaux sociaux est néfaste pour les adolescents. Et Instagram est une plateforme qui, inexorablement, met l’accent sur l’apparence ou la représentation de soi vis-à-vis des autres, avancent les signataires. Sans compter que la publicité viole la vie privée et altère le bien-être des adolescents».
Si le lancement de ce réseau social spécial enfants n’en est encore qu’à l’état de projet, Facebook le défend tous azimuts dans les médias. «Nous consulterons des experts du développement de l’enfant, de la sécurité et de la santé mentale de l’enfant ainsi que des défenseurs de la vie privée. Par ailleurs, aucune publicité ne sera affichée dans cette nouvelle version d’Instagram», a notamment indiqué à l’AFP Stephanie Otway, une porte-parole du groupe Facebook qui, visiblement, n’a pas encore lu la lettre de quatre pages de la CCFC. Sans publicité, vraiment ? Alors même que c’est par la pub que Facebook rentabilise ses applications ?